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Lumine

21 octobre 2007

Le sang délié

Lumine_2

Oannesia tombe et la chute défile au ralenti sous mes yeux, tandis qu'un frisson me parcourt la colonne. Elle est à terre... et rien... plus rien autour ne bouge... le temps s'est arrêté dans son effondrement... rien ne vient rompre le silence... un silence de mort règne sur la clairière... pas même le cri d'un oiseau de mauvaise augure.
Mon coeur se serre. Dans mes yeux, ce n'est pas Oannesia, mais ma mère... le teint si pale... c'est la vie qui se dérobe de ses veines.
Agir... vite. Le temps presse. Euthéria et Thio la soulèvent et l'allongent à quelques mètres, posant délicatement sa tête sur une pierre recouverte de mousse. Je cours à la source, près du chêne, l'eau de vie est claire et limpide comme les explications que je n'ai jamais données. Je n'ai jamais voulu me justifier.

Ma coupe pleine, je retourne près de ma soeur, l'asperge de quelques gouttes, puis humecte ses tempes... l'eau glisse sur la peau de sa nuque, fine et transparente. Elle ouvre les yeux me gratifiant d'un merci du regard qui me prend par surprise. J'ai lu le désespoir tant de fois dans ses yeux, son mutisme, ses reproches muets. Son silence me rendait brutale. Je n'acceptais pas qu'elle ne se défende pas. Ce regard qu'elle m'offre à cet instant, je ne lui connaissais pas... si beau... mais de ma bouche, ne sortira aucune parole de réconfort. Je ne sais pas être tendre.

Je porte le calice à ses lèvres et Oannesia boit avidement. Dérisoires paraissent les sentiments qui me lient à ma soeur. Dans l'urgence du moment, il n'y a que la force du sang qui parle. Le sang de Maman. J'ai tissé de mes mains le cordon ombilical me reliant à ma mère, du fil de fer barbelé, pour devenir le centre de la toile des liens qui se tissaient autour d'elle. Inconsciemment au départ, je pense avoir cousu le voile des illusions, pour complaire, pour me nourrir de son amour dont j'avais tant besoin.

Ce fil est brisé aujourd'hui et ce sont mes soeurs qui me relient à elle. En mourant, elle m'a offert la clé du trésor que je n'avais jamais ouvert, le mien, celui de mon essence plus odorante que la myrrhe, de mon être aussi vaporeux que l'encens, de mes rivalités intérieures faites d'or et de ténèbres, les joyaux d'une connaissance qu'elle m'avait offerte sans que je la comprenne. Il m'avait fallu sa mort pour ouvrir les yeux, son deuil pour comprendre. C'est dans les reliques qu'elle m'a laissées que j'ai appris à exister.

Oannesia veut se relever. Je la maintiens au sol et prend sa main dans la mienne dans un sourire. Peut-être le premier...  Sa main s'ouvre abandonnée... ses doigts se déploient sans résistance.
Soudain, je la sens se crisper. Elle retire sa main et pointe quelque chose dans les arbres. Je ne vois rien que les feuilles. J'essaie de trouver des mots apaisants pour la calmer.
Thio et Saéna déjà se précipitent vers les buissons.

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Lumine
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